S’il est évident que le non-respect des conditions de réalisation d’un projet conduit logiquement à l’échec dudit projet, il est tout aussi instructif d’avoir des cas concrets qui illustrent ce principe. Nous présentons l’expérience de la mise en œuvre du DEL dans la commune de Bot-Makak pour enrichir, par les faits, la littérature sur les pratiques du DEL à faible succès ou encore aboutissant à des résultats peu encourageants.
En effet, dans le cadre de son développement économique local entre 2004 et 2006, la commune de Bot-Makak avait identifié comme filière rentable « Le tourisme historique ». Il s’agissait d’un programme qui comprenait des randonnées dans la localité en visitant les lieux où se sont déroulés des faits marquants de l’histoire du Cameroun ou encore les endroits où des figures historiques du Cameroun ont soit séjourné, soit habité durant la période de lutte pour l’indépendance. On pourrait citer, à cet effet, la grotte de Um Nyobè ou encore le Pont sur la Sanaga.
L’activité a connu un bon démarrage entre Novembre 2004 et Mars 2005 avec des acteurs de la filière (Guide touristique et conteurs, Accompagnateurs et restaurateurs) qui ont vu leurs revenus atteindre des sommes de 50 000 F Cfa par mois, soit environ le triple des revenus moyens d’un paysan de cette zone à l’époque.
Cette embellie n’aura, malheureusement, été que de courte durée car avec la saison pluvieuse, l’accès à la zone devenait très difficile. Les routes boueuses étaient pratiquement impraticables et le voyage durait plus longtemps que d’habitude. L’affluence et la fréquence des visites allaient diminuant. Même avec le retour de la saison sèche dans le dernier quart de l’année 2005, l’activité n’a pas pu être relancée comme au départ et finalement il y a eu arrêt des activités en 2006. Bot-Makak est une commune rurale située en zone forestière dans la région du Centre. Elle est accessible par voie routière non bitumée sur près de 18km à partir de Boumnyébel, une localité située sur la grande route bitumée reliant la capitale économique Douala à la capitale politique Yaoundé.
Ce cas interpelle à plusieurs titres. Premièrement, pourquoi les acteurs du développement de la commune de Bot-Makak n’ont-ils pas intégré l’accessibilité réduite de la zone en saison pluvieuse, et les contraintes géo-climatiques de ce projet dans leurs plans DEL? Deuxièmement, sachant que le tourisme est une activité saisonnière, pourquoi n’avoir pas développé une stratégie qui intègre la période sèche de haute saison et la période pluvieuse de basse saison ? Telles sont les questions qui nous viennent à l’esprit aussitôt que l’on prend connaissance de ce cas.
Par ailleurs, sur un plan plus technique on peut également s’interroger en ces termes : La phase conceptuelle du plan de développement économique local était-elle suffisamment inclusive et participative ? Le processus de planification stratégique et opérationnelle a-t-il été conduit de manière efficace ? Lorsqu’on pousse la recherche un peu plus loin, on découvre que la commune n’a pas compétence à adresser les questions de viabilisation de cette route. Il s’agit d’une route qui est sous l’autorité de l’Etat. La commune n’avait-elle pas intégré cet aspect ? Les représentants de l’Etat en la matière ont-ils été impliqués dans le processus de planification ? Est-ce par la faute de la commune qui ne les as pas convié ou alors par manque d’intérêt pour la commune, ces derniers n’ont pas répondu présent à l’invitation qui leur a été adressé ?
En suivant cette dernière interrogation, nous soulevons ici une préoccupation chère aux communes : Comment intéresser l’Etat central dans les projets de faible envergure nationale mais pourtant cruciale pour les communes ? L’exemple de Bot-Makak montre que l’équipement en infrastructures est un aspect déterminant de la mise en œuvre à succès du DEL dans une commune. Dix-huit kilomètres de route auraient pu changer la vie des 35 000 personnes qui vivent dans cette localité, d’autant plus que leur plan DEL comprenait aussi un pôle relatif à la commercialisation et la transformation du cacao, autant dépendant des routes.
Quelles méthodes et astuces les communes peuvent-elles utiliser pour non seulement retenir l’attention mais surtout amener l’Etat central à entreprendre des travaux d’équipement public qui vont servir de base à la mise en œuvre efficace du DEL ? L’Etat lui-même n’a-t-il pas intérêt à développer des systèmes et mécanismes pour suivre et accompagner ces processus locaux? Ne faudrait-il pas plus d’autonomie au niveau local, dans le cadre des lois sur la décentralisation, pour permettre aux communes d’avoir la charge de réaliser de telles infrastructures ? Ne serait-il pas possible que des institutions telles que le FEICOM (Fonds spécial d’Equipements et d’Intervention Intercommunal) interviennent comme des organes de financement de tels projets ? Telles sont les questions que soulève l’exemple de la commune de Bot-Makak au Cameroun.