Une campagne d’explications s’impose pour éviter la confusion. La grande majorité des Camerounais ignore le rôle du Député et du Sénateur dans le parlement.

I- Des missions générales et spécifiques

Ceux de nos compatriotes qui ont eu l’occasion ou le temps de jeter un regard furtif sur la Constitution, en ont retenu quelques passages à l’instar de l’article 14 (1) Le pouvoir législatif est exercé par le Parlement qui comprend deux (2) Chambres: – L’Assemblée nationale et le Sénat. Le parlement légifère et contrôle l’action du gouvernement. Jusque-là, le texte est clair pour tout le monde. Mais, quand on va «à l’article 15 (2) chaque Député représente l’ensemble de la Nation et à l’article 20 (1). Le Sénat représente les collectivités territoriales décentralisées; les choses sont un peu moins claires pour certains esprits confus».

Dans l’article 15 (2), il est bien dit «chaque Député» tandis que dans l’article 20 (1), on dit «le Sénat» et non «le Sénateur» représente les collectivités territoriales décentralisées. A titre de rappel, l’article 55 (1) dispose: «les collectivités territoriales décentralisées de la République sont les régions et la commune». Tout type de collectivité territoriale décentralisée est créé par la loi. (2) Les collectivités territoriales décentralisées sont des personnes morales de droit public. Elles jouissent de l’autonomie administrative et financière pour la gestion des intérêts régionaux ou locaux. Elles s’administrent librement par des conseils élus et dans les conditions fixées par la loi.

Les conseils des collectivités territoriales décentralisées ont pour mission de promouvoir le développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel, sportif de ces collectivités. (S) L’Etat assure la tutelle sur les collectivités territoriales décentralisées dans les conditions fixées par la loi. (4) L’Etat veille au développement harmonieux de toutes les collectivités territoriales décentralisées sur la base de la solidarité nationale, des potentialités régionales et d’équilibre interrégional. (5) L’organisation, le fonctionnement et le régime financier des collectivités territoriales décentralisées sont déterminés par la loi. (6) Le régime des communes est déterminé par la loi.

Art. 56 (1) L’Etat transfère aux régions, dans les conditions fixées par la loi, des compétences dans les matières nécessaires à leur développement économique, social, éducatif, culturel et sportif (2) La loi détermine: – Le partage des compétences entre l’Etat et les régions dans les matières ainsi transférées- Les ressources des régions; – Le domaine et le patrimoine particulier de la région.

II- Pas de concurrence entre les deux Chambres

Ces extraits de la constitution relatifs au Sénat étaient nécessaires pour comprendre le rôle de la Chambre Haute qui a donc des missions bien spécifiques, tout comme l’Assemblée nationale comme par exemple, pour le vote du budget de l’Etat. Chaque Chambre doit jouer son rôle en laissant de côté les querelles de clocher, celles de savoir qui est supérieure ou inférieure à l’autre. Ainsi, si une Chambre rejette tout ou partie d’un texte adopté par l’autre, cela ne doit pas constituer un problème particulier, et amener à faire des gorges chaudes. Tout cela est prévu par la constitution.

Pour le Sénat à l’article 24 (2), celui-ci peut apporter des amendements ou rejeter tout ou partie des textes soumis à son examen, conformément aux dispositions de l’article 30 ci-dessous». Et pour l’Assemblée nationale, l’article 19 (2) dispose: «l’Assemblée nationale adopte ou rejette les textes soumis à son réexamen par le Sénat, conformément aux dispositions de l’article 30 ci-dessous».

Article 30 (1) Les textes adoptés par l’Assemblée nationale sont aussitôt transmis au Président du Sénat par le Président de l’Assemblée nationale. (2) Le Président du Sénat, dès réception des textes transmis par le Président de l’Assemblée nationale, les soumet à la délibération du Sénat. (3) Le Sénat, dans un délai de dix (10) jours à partir de la réception des textes ou dans un délai de cinq (5) jours pour les textes dont le gouvernement déclare l’urgence, peut: a) Adopter le texte Dans ce cas, le Président du Sénat retourne le texte adopté au Président de l’Assemblée nationale qui le transmet dans les quarante-huit (48) heures au Président de la République, aux fins de promulgation. b) Apporter des amendements au texte. Les amendements pour être retenus, doivent être approuvés à la majorité simple des sénateurs. Dans ce cas, le texte amendé est retourné à l’Assemblée nationale par le Président du Sénat pour un nouvel examen. Les amendements proposés par le Sénat sont adoptés ou rejetés à la majorité simple des députés. Le texte adopté définitivement est transmis par le Président de l’Assemblée nationale au Président de la République pour promulgation.

c) Rejeter tout ou partie du texte. Le rejet doit être approuvé à la majorité absolue des sénateurs. Dans ce cas, le texte en cause, accompagné de l’exposé des motifs du rejet, est retourné par le Président du Sénat à l’Assemblée nationale pour un nouvel examen: 1- L’Assemblée nationale après délibération adopte le texte à la majorité absolue des députés. Le texte adopté définitivement par l’Assemblée nationale, est transmis au Président de la République pour promulgation; 2- En cas d’absence de majorité absolue, le Président de la République peut convoquer la réunion d’une Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte commun sur les dispositions rejetées par le Sénat. Le texte élaboré par la Commission mixte paritaire est soumis par le Président de la République pour approbation aux deux Chambres. Aucun amendement n’est recevable sauf accord du Président de la République. Si la Commission mixte paritaire ne parvient pas à l’adoption par l’une ou l’autre Chambre, le Président de la République peut: – soit demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement; – Soit déclarer caduque le projet ou la proposition de loi.

De ce qui précède, il est bien difficile de dire que le Sénat à la primauté sur l’Assemblée nationale. Il pourrait même être le contraire si l’on s’appuie sur l’article 14, titre III intitulé du pouvoir législatif qui dispose en son alinéa (4). Les deux Chambres du parlement peuvent se réunir en congrès, à la demande du Président de la République: Pour entendre une communication ou recevoir un message du Président de la République; – Pour recevoir le serment des membres du Conseil constitutionnel; – Pour se prononcer sur un projet ou une proposition de révision constitutionnelle. Lorsque le parlement se réunit en congrès, le bureau de l’Assemblée nationale préside les débats…

 III- Les sénateurs agents de développement de leurs régions

Il manque un maillon important aux sénateurs que sont les conseils régionaux prévus par l’article 57 de la constitution. Les Conseillers régionaux dont le mandat est de cinq (5) ans, comme les Sénateurs, sont: — Les Délégués des départements élus au suffrage universel indirect; — Les représentants du commandement traditionnel élus par leurs pairs. Qu’à cela ne tienne les 100 Sénateurs élus et désignés doivent être, plus que les Députés, à l’écoute des populations de leurs régions et communes. Ils doivent donc être de vrais agents de développement, des Conseillers, surtout économiques, des conseils régionaux et des communes. Le Sénateur Luc René Bell de la région du Centre, département du Nyong et Kelle l’a bien compris quand, dans une interview accordée à Crtv-radio mercredi dernier, il a laissé entendre que le Sénateur doit voler au secours par ses conseils aux communes dont certaines ne comprennent pas leur rôle dans le développement des terroirs.
IV- Développement déséquilibré des régions
Les Sénateurs, doivent chercher à savoir pourquoi il y a un développement déséquilibré des régions dans tous les domaines. Douala et le Littoral par exemple concentrent 90% de l’activité industrielle du Cameroun, ce qui est anormal. L’Etat du Cameroun et le gouvernement devraient créer des pôles de développement industriel dans les dix régions du pays.

Les Sénateurs qui viennent d’être élus et nommés ne doivent donc pas se réunir à Yaoundé trois fois par an en session ordinaires pour boire et manger. Ils doivent faire des projets concrets pour le développement de leurs régions. Ils doivent avoir l’œil à tour: la construction des infrastructures de toutes natures, les sociétés d’Etat (même comme cela n’est plus de mise), l’entrée dans les grandes écoles, les concours de la fonction publique, etc. Au vrai, il y aura peu de divergences du moins dans cette première législature, entre Députés et Sénateurs puisque, les membres des deux Chambres militent majoritairement au sein de la même formation politique.