Par Melissa DIENNE-NGOUA (Melissa-Djenno-Ngoua’s blog)
La question de l’électrification est une problématique que les habitants africains ne connaissent que trop bien. S’il fallait énumérer le nombre de délestages qu’une ville subit en un mois, nous ne serions pas surpris de constater que cela est d’une récurrence inacceptable.
Selon une étude de l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI) effectuée en 2009, le continent africain détient la dernière place en matière de taux d’électrification dans le monde et présente de nombreuses disparités en son sein. Cette étude démontre que l’électrification de l’Afrique du Nord est de plus de 90% alors qu’au sud du Sahara, ce taux varie de 18% en Afrique centrale à 40% en Afrique de l’Ouest.
Plusieurs exemples illustrent ces paradoxes : la RDC dispose du barrage le plus grand du continent mais plus de 90% de la population souffre du manque d’électricité. Au Nigeria, malgré les ressources pétrolifères et gazières, moins de 30% de la population a accès à l’électricité (Voir le rapport, World Energy Outlook 2012). Autre exemple, celui de l’Afrique du sud, première économie du continent, la compagnie nationale publique Eskom produit 96% de l’électricité et en distribue elle-même la moitié. L’autre moitié est distribuée par les municipalités dont de nombreux réseaux sont très vieux, ce qui cause beaucoup de petites coupures (Voir l’article intitulé : La première économie d’Afrique reste à la merci des coupures de courant).
L’Afrique rurale est la première victime de cette insuffisance et cela porte un coup non négligeable aux possibilités de développement économique des communes. Pourtant, avec 10% des réserves hydrauliques mondiales économiquement exploitables, près de 10% des réserves mondiales prouvées de pétrole, 8 % des réserves mondiales de gaz, et 6 % des réserves mondiales de charbon (Etude de l’IFRI cité précédemment), le continent dispose de grandes potentialités en matière de fourniture d’énergie.
L’accès à l’électricité des communes rurales est étroitement lié aux évolutions nationales en matière de politique énergétique et force est de constater que les élus locaux n’ont pas une grande marge de manœuvre sur cette question. Au Gabon, la Société d’Eau et d’Electricité (SEEG) est privatisée depuis 1997. Aujourd’hui, la société détentrice à 51% du capital, Veolia, a pour responsabilité la fourniture en eau et électricité de tout le pays. Cela n’empêche pas les coupures intempestives en zone urbaine et une faible présence d’infrastructures d’électrification en zone rurale. Mis à part la remise en cause, par les autorités nationales, du contrat de concession qui arrivera à son terme en 2017, les élus locaux gabonais n’ont pas de moyens de pression.
Quelles alternatives s’offrent donc à eux ? Comment favoriser le développement économique dans un tel contexte ?
Sur le continent, l’amélioration de la fourniture en électricité en zone rurale est d’abord une question de volonté politique, que cela relève du niveau national ou local. Le recours aux énergies renouvelables, notamment l’énergie solaire, l’énergie éolienne et la biomasse, apparaissent comme des alternatives se présentant aux collectivités afin qu’elles puissent faire face au manque d’électricité. Force est de constater que la grande majorité des initiatives en matière d’énergies renouvelables, comme c’est le cas au Gabon, est du ressort des gouvernements nationaux. Toutefois, cela n’empêche pas aux élus locaux d’en tirer pleinement profit pour booster l’économie locale.
L’énergie solaire dans les collectivités.
Ce type d’énergie est désormais privilégié dans l’électrification rurale au sein du continent. Cela est vu comme un moyen plus efficace et rapide de réduire les inégalités qui subsistent entre les zones urbaines et rurales en matière d’accès à l’énergie. De plus, l’avantage en termes de développement économique locale est que non seulement, les populations peuvent en bénéficier directement, mais le solaire présente également une régularité et une stabilité qui manquent parfois aux réseaux nationaux souvent minés par la vétusté de leur système, engendrant des coupures fréquentes (Voir l’article intitulé : « Lumière sur l’Afrique – le futur de l’énergie solaire »).
L’apport du solaire au sein des collectivités est un bon moyen de pérenniser l’accès à l’électricité pour attirer, ainsi, de nouveaux acteurs économiques ou pour renforcer les capacités économiques des acteurs locaux. Le fait que l’installation solaire tienne également compte des besoins propres à l’activité en fait un outil de dynamisme économique. Au Gabon, notamment, un projet national lancé en 2000 et visant à doter d’équipements solaires une centaine de villages, a associé de petites entreprises locales pour assurer la maintenance et la sécurisation des équipements mis à la disposition des populations. Dans des provinces où avait été observé un développement de l’activité de pêche (Moyen-Ogooué et Ogooué-Maritime), la fourniture en énergie solaire a permis aux pêcheurs de disposer de contenants frigorifiés pour conserver leur marchandise. Ainsi, une augmentation de la production artisanale a été remarquée dans les villages de ces provinces. En matière d’agriculture vivrière, la fourniture des pompes d’eau en énergie solaire, permet aux petits agriculteurs d’accroître leur capacité de production et par conséquent d’augmenter leur rendement et commercialiser leurs excédents.
Le recours à l’énergie solaire devient donc une alternative pour les collectivités africaines. En 2010, au Maroc, notamment, un plan d’électrification rurale fondé sur cette énergie a été mis en œuvre. En effet, le pays souhaite atteindre l’objectif de 2.000 MW d’énergie solaire d’ici à 2020, pour ce faire, il s’est lancé dans la construction de la plus grande centrale photovoltaïque à concentration du monde à Ouarzazate. Au Kenya, les ménages et petites entreprises sont progressivement fournis en lampes solaires portables. Depuis 2010, environ 1,5 million de personnes ont pu bénéficier d’un meilleur éclairage, et ceci a été possible avec le concours d’entreprises locales, entre autres.
Le financement de tels projets est possible grâce aux partenariats public-privé ou à la coopération décentralisée, notamment par une collaboration entre élus africains. L’expérience du Kenya ou d’autres pays en matière d’énergie solaire peut ouvrir des opportunités de coopération entre les élus gabonais par exemple et leurs homologues anglophones.