Le processus de décentralisation au Cameroun est depuis quelques années entré dans une phase irréversible. En témoigne le retour autoritaire des Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD) en tant qu’acteurs décisifs du développement local. Ainsi, les Communes et les Régions puisqu’il s’agit d’elles, à travers les projets qu’elles conduisent deviennent de plus en plus les seules garantes de l’amélioration de la qualité de vie dans leurs agglomérations. Une reconnaissance également matérialisée par les rapports directs que ces collectivités entretiennent avec les institutions internationales dont elles partagent aujourd’hui les préoccupations et ce, au même titre que les Etats.
L’intercommunalité constitue aujourd’hui à cet égard, l’un des éléments les plus visibles de cette évolution et les regroupements de communes témoignent aujourd’hui de leur volonté et de leur intérêt à s’organiser et à s’affirmer.
Mais si l’émergence de ces établissements territoriaux est dictée par des nécessités stratégiques, force est de constater que les impacts de ces initiatives dépassent le cadre des Communes prises isolément pour s’étendre à une plus grande échelle, inaugurant ainsi une approche inédite de la gouvernance locale et de l’aménagement du territoire.
C’est dans cette optique que s’inscrit volontiers le Syndicat Intercommunal des Hauts-Plateaux SIHPLATEAUX (Région de l’Ouest).
C’est en effet, l’existence d’un problème commun, à savoir le service public de l’électricité, qui a motivé la nécessité d’une approche concertée des quatre Communes qui composent le Département (Baham, Bamendjou, Batié et Bangou). Une étude technico-économique aux fins d’amélioration de ce service a démontrée toute la pertinence d’un renforcement du service de l’électricité à l’échelle du Département et les effets entrainements sur le développement économique induits automatiquement par une telle action.
Certains éléments montraient à loisir que la démarche intercommunale était la plus indiquée. Celle-ci comblait la faible surface financière des Communes, inapte à satisfaire aux exigences des projets d’électrification rurale lorsqu’ils sont conduits individuellement. L’intercommunalité permettait également d’avoir une vision globale cohérente des attentes qu’on pouvait formuler à l’endroit du service public de l’électricité et, l’orienter de manière à l’associer étroitement aux Activités Génératrices de Revenus (AGR) dans le Département des Hauts-Plateaux. Une approche vivement encouragée par une législation favorable. Le projet de Développement de l’Electrification dans le Département des Hauts-Plateaux (DER Hauts-Plateaux), qui bénéficie d’un cofinancement de l’Union Européenne et du FEICOM, sert aujourd’hui de cadre à la mise en oeuvre effective et opérationnelle de cette intercommunalité.
Le Syndicat intercommunal du Département des Hauts-Plateaux qui est aujourd’hui l’instance privilégiée de promotion du développement local et le début d’une vision globale est cependant l’aboutissement d’un long processus de médiations et d’interactions permanentes entre les divers acteurs locaux intéressés.
Effectivement, le choix du Syndicat de Communes et le contenu qu’il fallait lui attribuer ne s’est pas imposé automatiquement ; le cadre légal et réglementaire présentant diverses formations intercommunales possibles, chacune jouissant de commodités en fonction de l’usage et des objectifs poursuivis.
De multiples réunions et ateliers ont été nécessaires pour présenter aux autorités municipales concernées les différentes dynamiques intercommunales observables ou permises dans le contexte camerounais. Une démarche qui devait permettre aux maires des quatre Communes d’avoir une meilleure lecture des regroupements intercommunaux et qu’ils adoptent la forme à même de correspondre à leurs attentes tant individuelles que collectives sans altérer leur souveraineté.
Trois déclinaisons de l’intercommunalité étaient en compétition pour retenir l’attention des autorités municipales et héberger les projets qu’ils se proposeraient de conduire ensemble : la forme d’une association des municipalités concernées, la forme de la coopération décentralisées entre elles et la forme du syndicat de Communes.
S’agissant de la forme associative :
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Celle-ci s’avérait très pratique pour des projets ponctuels ayant une incidence directe sur des communes voisines (le bitumage d’une route intercommunale par exemple).
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Elle s’avérait également commode pour la planification stratégique et la programmation opérationnelle des actions de développement ; elle avait déjà par ailleurs fait l’objet d’une expérimentation par les municipalités des Hauts-Plateaux notamment dans le cadre de la planification de l’électrification rurale dans le Département (Vision 2022 de l’électrification rurale dans les Hauts-Plateaux). Bien qu’elle ne soit pas déclarée comme telle à la Préfecture, elle comportait les attributs d’une association formelle par la collaboration intercommunale et les résultats générés.
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Elle ne demandait pas que soit mise en place des structures dédiées exclusivement à la collaboration et la coopération intercommunales, ni des lignes budgétaires prévues en ce sens. A cet égard, elle pouvait s’assimiler à des relations de bon voisinage.
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De plus, n’étant pas régis par les lois de la décentralisation mais plutôt par celles régissant les associations, la forme associative n’est guère contraignante ; un important facteur de volontarisme dans la concertation intercommunale.
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Des limites sont cependant apparues très vite à ce niveau ; des limites reconnues par la collégialité des élus locaux.
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La forme associative des municipalités dissimulait des inconvénients de taille dont la première était son inégibilité aux financements prévus dans le cadre de la décentralisation et plus précisément des transferts de compétences et de ressources adéquates. Sa nature même d’entité de droit privé la rendait également inapte à manipuler les fonds publics des Communes.
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De plus, cette forme d’intercommunalité qualifiée à juste titre d’ « Informelle » était davantage tolérée que permise et avait vocation à s’achever faute de changer radicalement de nature, de s’institutionnaliser.
A propos de la forme de la coopération décentralisée, elle était désormais possible entre les collectivités camerounaises de même qu’un décret organisait juridiquement son fonctionnement. Cette forme d’intercommunalité dite ponctuelle partageait les atouts de la forme associative à l’exclusion des inconvénients, s’apparentant ainsi à une version « formalisée ». Egalement, elle disposait d’autres avantages décisifs :
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Prévus par la décentralisation, elle pouvait aisément bénéficier des concours financiers de la puissance publique et pouvait également mobiliser les fonds des Communes pour la conduite des projets.
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La forme de coopération décentralisée permettait également aux Communes concernées de garder la pleine souveraineté sur leurs compétences respectives. Celles-ci pouvaient donc conduire des projets individuellement et/ou collectivement.
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Le caractère contraignant disparaissait automatiquement à l’expiration de la convention ; une date d’expiration préalablement déterminée par les parties.
Malgré son attractivité, cette forme n’a pas non plus séduit les autorités locales pour des raisons précises :
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La forme de la coopération décentralisée traditionnellement réservée aux relations internationales des CTD était peu séduisante entre les communes camerounaises ; celles-ci lui préférant sa dimension classique.
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De plus, les lois relatives au financement de la décentralisation traitaient explicitement d’une autre forme de regroupements intercommunaux comme éligibles à de nombreux financements de la part de l’Etat et des structures gouvernementales.
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La forme intercommunale de la coopération décentralisée n’était pas évolutive, encadrée qu’elle était par une convention rigide. Elle correspondait plus aux projets sectoriels qu’à un véritable programme politique.
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Le terme qui pesait sur ce mode de coopération ne cadrait pas avec les objectifs des maires qui voulaient construire une relation permanente et diversifiée.
C’est le modèle du Syndicat de Communes qui a été retenu par les Maires ce, en fonction des nombreux gages qu’il fournissait :
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Une batterie législative accompagnait le financement de ce type de regroupement intercommunal et ce, au même titre que les Communes (loi, portant régime financier de l’Etat du Cameroun, loi portant régime financier des CTD, loi portant fiscalité locale).
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Les disproportions et les ressources qui distinguaient les Communes des Hauts-Plateaux étaient minimisés par la solidarité en action dans le Syndicat de Communes.
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Le Syndicat était évolutif et pouvait avoir être investies par les Communes de plusieurs autres vocations.
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Il permettait au-delà de la mutualisation des ressources, de mutualiser les compétences : une approche essentielle dans la gestion d’un service public local. Il est en effet peu commode de mener une politique collective si chacun agit isolément des autres.
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De plus, le Syndicat de Communes était par défaut, une institution permanente correspondant ainsi au caractère permanent et continu du service public.
La principale difficulté inhérente au Syndicat de Communes était véritablement la définition du contenu et des missions dévolues à une structure dotée d’un accès aux finances détenus des quatre Communes et qui peut dans le cadre de ses activités, se substituer à ces dernières. D’où plusieurs ateliers avec les Maires des collectivités concernées afin qu’ils puissent se reconnaitre à travers les documents juridiques et fondateurs et organisateurs du Syndicat à mettre en place.
Ces documents en l’occurrence la convention de création du syndicat ainsi que le règlement intérieur de ce dernier, ont d’ores et déjà reçu l’approbation des conseils municipaux des Communes concernées. Une ultime signature des exécutifs municipaux a consacrée la création officielle du syndicat de communes dans le Département.
Il faut également signaler que l’accompagnement de la tutelle a été sollicitée au niveau central et s’est traduite par l’appui du Préfet à l’initiative intercommunale. Plusieurs réunions se sont même tenues à la Préfecture et les maires ont ainsi pu disposer de précieux éclaircissements quant à la manière de mettre en œuvre les regroupements intercommunaux au Cameroun.
Aujourd’hui, en donnant davantage de contenu à la gouvernance locale, les collectivités du Département des Hauts-Plateaux disposent d’un outil institutionnel qui pourra leur servir d’interface adapté entre elles et leurs nombreux partenaires déclarés ou potentiels et ce, quel que soit l’envergure de ceux-ci. Elles pourront bénéficier de plus de crédibilité et de davantage de ressources et développer des projets en lien étroit avec le rayonnement socioéconomique de leurs populations.
Si l’intercommunalité résulte d’un regroupement de collectivités territoriales, il est désormais évident que dans les Hauts-Plateaux, le développement local ne sera plus envisagé comme une affaire essentiellement communale.
Willy Brice Tchegho,
Expert Gouvernance locale, EED (www.eedsarl.com) & Membre de l’Association CODEA (www.codea-france.org) – Projet DER Hauts-Plateaux (der_hp@eedsarl.com / eed@eedsarl.com)