A la demande de M. Honoré DEMENOU TAPAMO, élite de la Commune de Fokoué dans le Département de la Menoua (Région de l’Ouest-Cameroun), une mission conjointe CODEA-EED a été menée du 24 Avril au 1er Mai 2012 dans cette Commune, dans le but d’y effectuer un diagnostic de la problématique de l’accès à l’eau potable, et ce dans la perspective du montage d’un projet communal d’Adduction en Eau Potable. Le territoire de la Commune de Fokoué est constitué de cinq groupements traditionnels, à savoir Fomopéa, Fontsa Touala, Fotemena, Bamengwou et Fokoué. Ces deux derniers groupements se partagent le centre-ville de Fokoué, chef-lieu de l’Arrondissement du même nom. La population, dont l’activité est essentiellement agricole, est de l’ordre de 30 à 35.000 âmes.
En matière d’approvisionnement en eau, les habitants de Fokoué ont appris depuis longtemps à se saisir des atouts du relief accidenté, les sommets des montagnes présentant l’avantage d’être des lieux de naissance des cours d’eau. Aussi, plusieurs réseaux AEP que nous avons recensés sont gravitaires. Notre enquête nous a permis d’avoir une idée générale sur le niveau de satisfaction de la population dans leur approvisionnement en eau potable. Ainsi, pour chaque groupement, nous pouvons retenir les résultats suivants.
Le Groupement Fomopéa
Les différents quartiers connaissent des fortunes diverses. Les quartiers Mengué et Yantou n’ont aucun point d’eau moderne ou borne fontaine venant d’un des réseaux quelconques du village. Nzéyon a un projet en vue de captage de source et pour distribution par bornes fontaines dans le quartier. Ntoula a un captage avec réseau hors service mais actuellement en cours de réhabilitation par les soins d’un particulier qui est un homme politique local. Pour ces quartiers non alimentés en eau potable, les populations pour se procurer de l’eau de boisson vont dans les mares ou marigots ou bien dans les bornes fontaines publiques ou robinets venant des forages ou captages de particuliers. Dans les réseaux existants, il est important de s’assurer de leur entretien pour éviter des fuites d’eau, d’envisager les extensions afin de rapprocher les bornes fontaines des populations. Le quartier Yantou un peu éloigné des autres, dispose de nombreuses sources sur les montagnes alentours ; il faut y envisager la création d’un réseau gravitaire avec distribution par bornes fontaines. Le forage de l’ancien réseau scan water devrait être réhabilité pour renforcer la production. Ce forage devra être équipé d’une pompe immergée électrique courante puisque le village dispose d’une ligne MT.
Le Groupement Fontsa-Touala
Pour l’amélioration de la qualité du service de l’eau au village Badum dont le réseau souffre du tarissement saisonnier de son captage, plusieurs alternatives non exclusives se présentent : (i) connecter le réseau de Badum à celui du village voisin de Ndoundé, (ii) capter une autre source pérenne localisée sur la montagne à 900 m d’altitude, (iii) construire une chambre de filtration dans le réseau existant et l’implanter avant la bâche, (iv) faire des forages productifs en abandonnant le captage existant. Malgré l’autosatisfaction de la population de Ndoundé pour son réseau, il est néanmoins, plus que jamais indispensable d’envisager un procédé de stérilisation anti bactérienne de l’eau captée car c’est une eau de surface qui peut être sujette à une pollution quelconque (accidentelle ou permanente). Par ailleurs, Les fissures observées au niveau du bassin de décantation et filtration et au niveau du réservoir semi-enterré nécessitent des réparations. Pour Fontsa-Touala Centre, des bornes fontaines supplémentaires doivent être implantées, notamment dans le quartier Menon. Il doit aussi être envisagé une extension du réseau du lycée (encore sous-exploité) vers le quartier Ngnem. Le réseau du marché de Fontsa doit être doté d’un système de traitement qui intègre en même temps la décantation et la filtration. Par ailleurs l’eau de cette source doit faire l’objet d’une analyse chimique afin de savoir si son taux d’ion ferrique ou ferreux n’est pas anormal pour une eau potable. Le village Foutchoufou n’a aucun point d’eau aménagé, la population se ravitaille ici au niveau des nombreuses sources au pied des montagnes recensées dans la zone ; celles-ci peuvent être aménagées pour transporter l’eau vers les habitations.
Par ailleurs, une extension du réseau FEICOM est en cours vers les quartiers Lafié et Téfié par les riverains de ces deux quartiers. Le quartier Nzala et son école publique pourraient s’alimenter sur ce réseau à partir d’une extension qui partirait du carrefour Téfié.
Le Groupement Fotomena
Certains quartiers à l’instar du quartier Banko’o n’ont aucun point d’eau potable. L’implantation d’un forage est la solution la plus recommandée pour ce quartier ; les sources ici émergeant beaucoup plus dans les bas-fonds. La même solution doit être envisagée pour l’alimentation de l’école de Bangouet. Pour le réseau de Fotomena, les ventouses doivent être placées de façon optimale, afin de faciliter l’expulsion de l’air bloquant la bonne circulation de l’eau en aval du réseau. La robinetterie des bornes fontaines doit être bien entretenue dans le but d’éviter les gaspillages d’eau. Enfin, il sera plus intéressant de rabaisser la côte du tuyau de prise situé dans le captage et continuer l’extension du réseau en pensant particulièrement à l’alimentation du centre de santé intégré.
Les Groupements Fokoué et Bamengwouo (Ville de Fokoué)
Il est très important de rappeler que la stérilisation n’est pas prévue dans le processus de traitement de l’eau du réseau du marché de Fokoué. Or nous avons constaté que le captage se trouve sur un ruisseau qui part du sommet du mont Evet. Dans son bassin versant, on note une forte activité humaine avec des champs de tabac, l’élevage des bœufs et surtout des concessions des peuplades bororos. L’eau du ruisseau capté est donc certainement une eau polluée : il est par conséquent important, si on maintient le captage actuel d’envisager un traitement au chlore de préférence (à cause de sa rémanence) de l’eau à mettre à la consommation et de renforcer en même temps son traitement de décantation par un bon dispositif de floculation-décantation. Une autre alternative serait d’implanter le captage au point d’émergence de la source afin d’éviter toute pollution anthropique (dont le risque relevé ici est grand) de l’eau recueillie. Le réservoir et tout le système de décantation et filtration qui va avec selon la conception initiale du réseau doivent être réhabilités. Bref l’approvisionnement en eau de la ville de Fokoué doit être repensé pour une plus grande optimisation de l’utilisation des ressources par une bonne distribution spatiale des bornes fontaines, la bonne disponibilité de l’eau aussi bien dans les bornes fontaines que dans les domiciles des particuliers, répondant à des normes de potabilité digne d’une ville qu’elle est devenue.
Pour une réduction de la pénibilité et une amélioration de la qualité de l’eau
La Commune de Fokoué, qui dispose de réseaux gravitaires et de points d’eau particuliers en abondance, ne parvient toujours pas à satisfaire sa population en approvisionnement en eau potable. Cette population souffre à près de 70% de maladies hydriques (fièvre typhoïde, dysenterie, etc.), bien que la plupart des cas ne soient pas recensés dans les structures de santé. La répartition spatiale des bornes fontaines ne respecte pas les conditions d’un EPE (Equivalent Point d’Eau). Certains réseaux méritent d’être réhabilités en urgence, et d’autres nécessitent une extension.
D’une manière générale, la problématique de l’approvisionnement en eau potable dans une localité exige la recherche de solutions à deux problèmes importants, à savoir (i) la pénibilité de la recherche de l’eau par les usagers, sachant que cette corvée doit être le moins pénible possible par rapport au parcours pour atteindre le point d’eau et par rapport au temps mis pour attendre son tour de puisage, et (ii) la qualité de l’eau et l’éradication des maladies hydriques liées à la contamination par une eau impropre à la consommation, qu’il s’agisse d’un approvisionnement par borne fontaine ou bien d’un branchement privé. Dans la Commune de Fokoué, ces deux problèmes subsistent et doivent être réglés en urgence : là où existe le réseau, il n’y a pas de certitude que celui-ci mette à disposition une eau potable. Et dans la majorité des localités ou quartiers dans lesquels le réseau existe, il est spatialement mal distribué. Par ailleurs, toutes les populations des différentes localités de cette Commune doivent être initiées aux limites de la gratuité du service public de l’eau potable : des schémas innovants d’organisation du service public de l’eau potable doivent être pensés en tenant bien sûr compte des réalités socioculturelles endogènes et de la capacité à payer des populations.
Au préalable, les solutions pré-identifiées ci-dessus devront, en plus d’être approfondies, discutées avec les populations.
Source: CODEA/EED Sarl