La deuxième moitié du XIXème siècle est marquée par une période de croissance extraordinaire aux Etats-Unis : la population augmente de 20% par décade entre 1860 et 1910. La demande de services publics (eau, communication, énergie) explose tandis que leurs prix baissent. A cette époque, la distribution en courant continu limite à un mile environ la longueur des lignes de distribution électrique, ce qui favorise les petits distributeurs en zone d’habitat dense ; vers 1890, 28 distributeurs électriques proposent leurs services à la seule ville de Chicago. Ce n’est qu’au milieu des années 1890 que les partisans du courant alternatif l’emportent, arguant de la meilleure rentabilité financière d’une production centralisée et de la réduction des pertes de transport en ligne de l’énergie alternative haute tension. C’est le début de l’industrie électrique.
En 1899, seulement 3% de l’électricité utilisée dans les entreprises était achetée à des producteurs privés ; en 1909, ce taux était passé à 36% et dix années plus tard, à 57%. Ainsi, l’électricité remplaça l’énergie des chaudières et des cours d’eau dans l’approvisionnement de l’industrie américaine. Au début de la première guerre mondiale, la plus part des agglomérations avaient conclu des contrats d’exclusivité avec des entreprises privées pour produire et distribuer l’électricité sur le territoire communal.
Dès le début des années vingt, les salaires repartent à la hausse, soutenant le pouvoir d’achat des familles urbaines. La demande accrue du marché domestique urbain relayant celle des entreprises, l’industrie électrique se développa rapidement. Un « cercle vertueux » se met en place ; la consommation d’électricité augmente, les sociétés électriques réduisent leurs tarifs, générant de nouvelles demandes… Les perspectives de profits importants attirent alors les faveurs de la bourse, ce qui favorise l’émissions de titres nécessaires à la capitalisation des sociétés électriques et à leur renforcement (et prolifération) en holdings gigantesques. En 1924, sept holdings Cies contrôlent 40% de la capacité nationale de production électrique, et les 16 premières holdings Cies représentent les _ de cette capacité ; même les grandes régies municipales dépendent de ces producteurs et transporteurs privés pour leur approvisionnement en énergie électrique. Après une période d’expansion et de prolifération d’opérateurs, le secteur électrique connaît une période de consolidation dans un petit nombre de holding Cies,… jusqu’au crack boursier de 1929.
A partir de l’effondrement boursier du 29 octobre 1929, et jusqu’à l’entrée en guerre en 1941, les États Unis vont traverser une très difficile période de dépression économique et de véritable dislocation sociale ; entre 1929 et 1933, le produit national brut chute de 103,1 à 55,6 milliards de dollars, tandis que les salaires perdent 35% en moyenne et jusqu’à 90% pour certains. Le taux de chômage en 1933 avoisine les 25%. Les entreprises font faillite à un rythme inquiétant. Dans tout le pays, les fermes arrêtent leur activité et sont saisies, victimes de la chutes des prix et de la sécheresse : partout, le monde rural se désertifie. L’industrie électrique n’est pas épargnée ; de 1929 à 1935 le taux national de familles raccordées cesse de croître et stagne à 68% avant de reprendre sa progression au rythme de 2% par an, contre près de 4% avant la crise. En 1930, l’inégalité sociale ville – campagne n’est pas atténuée ; si 90% des familles urbaines sont raccordées au réseau, seulement 10% des familles rurales le sont.
C’est dans ce contexte dépressif que Franklin D. Roosevelt est élu Président en 1932….
L’histoire de l’électrification rurale des Etats-Unis nous est racontée ainsi jusqu’à nos jours, traversant tour à tour le « New Deal » véritable révolution culturelle des Etats-Unis, la création le 18 mai 1933, de la Tennessee Valley Authority (TVA), chargée de promouvoir le développement rural d’une région défavorisée… et surtout, cette date du 11 mai 1935, qui marque la naissance de l’électrification rurale aux États-Unis.
Cette étude de cas se poursuit de cette façon synthétique jusqu’à nos jours, et se termine par une analyse sur les leçons à retenir pour concevoir aujourd’hui des programmes d’électrification rurale dans les pays qui en sont encore dépourvus.